Ma première voiture : une Renault 4 CV |
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L'été de l'année 1960 vit mon arrivée en France après avoir passé, en juin, le baccalauréat en Algérie. Dès octobre, je prenais les fonctions de maître d'internat au Collège d'Enseignement Technique de la ville pour un contrat de cinq ans avec l'Éducation Nationale. Parallèlement, je m'inscrivis à la faculté de Marseille à une trentaine de kilomètres de là.
Pour mes déplacements, j'achetai un scooter Vespa à crédit que je mis une dizaine de mois à payer avec mon petit salaire. Je l'utilisai durant les deux premières années. Avec ce super scooter, je parcourus une trentaine de milliers de kilomètres. Mais l'aspect dangereux surtout, son désagrément par temps de pluie et de Mistral eurent raison de lui. J'envisageai alors d'acquérir une voiture, mes préférences allant vers une 2 CV Citroën ou une Dyna X Panhard toutes deux que j'adorais, une 4 CV Renault qui me plaisait énormément ou une 4 L Renault éventuellement que je trouvais très fonctionnelle.
Mon salaire ne me permettant d'acheter une voiture neuve, je me rabattis alors sur une occasion rencontrée à Bourges lors du Noël 1961 passé chez mes parents, une Renault 4 CV de 1954, l'une des premières à avoir les trois moustaches, de huit ans d'âge donc, pour un prix assez faible bien justifié vu son état. Cette petite voiture inconnue me ramena d'abord sans encombre à Marseille. J'en étais très très content. Je n'ai pas de photographie de la mienne de l'époque mais elle ressemblait en tout point à celle ci-dessous que j'ai trouvée sur internet à l'adresse :
" http://commons.wikimedia.org/wiki/File:4CV_Renault_-_front.jpg ".
La caisse avait des points de corrosion perforantes à plusieurs endroits, le bas de malle derrière le pare-choc avant, le bas de porte de chaque côté, le plancher aux places avant. Le moteur avait largement plus de 100000 kilomètres. Elle avait besoin d'un bon rodage de soupape peut-être même plus tant elle était poussive en côte.
Malgré son état, elle me rendit pas mal de services pendant six à huit mois, sans beaucoup d'ennuis à part le fait qu'elle consommait un demi litre d'huile tous les 1000 kilomètres.
Les
vacances d'été 1962 arrivées, je pus faire un petit stage
non rémunéré d'un mois et demi chez un petit garagiste
pour mieux me familiariser à la mécanique à laquelle
j'avais déjà pu un petit peu me frotter dans mon lycée
en Algérie. En effet, étant en classe de première moderne,
l'administration m'avait accordé la permission de suivre des travaux
pratiques des sections techniques, pas tous à cause de mon emploi du temps, en mécanique générale,
en menuiserie et en chaudronnerie durant lesquels je m'étais régalé. Chez
ce petit garagiste, je m'étais régalé aussi d'autant
plus que, connaissant mon projet de restauration du moteur de ma voiture,
il m'avait mis en binôme avec un mécanicien qui m'avait fait
travaillé sur deux moteurs justement de 4 CV. C'était super
sympa et ce fut un super stage !...
En trois week-end du mois d'octobre, je changeai pistons, chemises et soupapes avec rodage, je réparai le radiateur qui s'apprêtait à fuir aidé en cela par trois élèves internes qui, intéressés, me l'avaient demandé et qui faisaient partie du dortoir dont j'avais la surveillance. La photographie ci-contre, récupérée aussi sur Internet
http://membres.lycos.fr/katchevo/4cv_boite03.jpg
montre l'extrême facilité de la séparation de la caisse du bloc moteur, son radiateur, sa boîte de vitesse et son train avec suspension. Si je me souviens bien, après avoir débranché tous les câbles, on tombe tout l'ensemble en ne défaisant que les 4 gros boulons-écrous de 17 (?) au niveau des supports transversaux de suspension, et les 2 ou 3 boulons-écrous de 14 (?) en arrière du carter.
Génial quand même, cette conception... avec un outillage tout ce qui a de plus élémentaire sans outil spéciaux qui ne servent qu'une fois !...
Ma 4 CV, pas trop belle d'allure, marcha ainsi comme une horloge durant toute l'année scolaire.
Quand vinrent les vacances de 1963, à nouveau, je fis un autre stage non rémunéré chez un bon grand père carrossier du village voisin, proche de la retraite, durant presque deux mois. J'appris à redresser quelques tôles ainsi qu'à les repeindre. Lui aussi, était au courant de mon projet de réparer partiellement ma 4 CV aux endroits des perforations. Quand mon stage fut terminé, il me permit de travailler sur ma voiture et d'utiliser ses outils durant quelques samedis et aussi quelques dimanches dans son atelier où il était tout le temps et qui était toute sa vie. Les soudures ayant bien dégradé la peinture, j'entrepris de la repeindre complètement couleur bleu marine et flancs de roue blancs. Il resta à mes côtés tout le temps pendant que je manipulais le pistolet à peinture, me corrigeant de temps en temps. Finalement, grâce à lui, j'eus un résultat plus que satisfaisant. Je n'ai pas gardé de photographie de l'époque. Ma petite trottinette ressemblait pratiquement à la photographie ci-dessous que j'ai récupérée aussi sur internet à l'adresse :
" http://www.allsportauto.com/photoautre4/renault/4cv/1951_renault_4cv_deluxe_04_m.jpg "
Elle était plus su-per-be
que celle-ci car c'était la mienne !...
Elle
n'avait pas de plates-formes sur les pare-chocs, ni de cerclage autour du
pare-brise, ni de bas de caisse chromés. Sa calandre était formée
de ses trois moustaches habituelles et j'avais orné les roues d'enjoliveurs
de DS 19 trouées en leur centre pour les fixer avec des écrous
chromés. Par contre, j'avais mis, aux deux phares, des visières
de moto chromées récupérées que j'avais un peu
trafiquées pour les adapter. Malheureusement, tout juste un mois après,
on me les avait volées avec les optiques, il ne restait plus que les
fils qui pendaient !... Au tout début, j'avais peint les pneumatiques
pour avoir les flancs blancs comme sur la photographie. Je
les avais très vite abandonnés car le moindre trottoir, la
moindre flaque d'eau boueuse dégradait la couleur qu'il fallait sans
arrêt nettoyer et à la longue, le blanc n'avait plus que le nom.
De toutes façons, il valait beaucoup mieux que la voiture ne soit pas
trop voyante.
A voir cette photographie, cette 4 CV déclenche encore chez moi une belle nostalgie de ce temps. C'était ma première voiture, j'y avais travaillé un peu dur quand même, et j'y faisais attention comme à la prunelle de mes yeux. Je l'avais gardée de 1962 à 1968. Je fis avec elle une bonne centaine de milliers de kilomètres surtout à partir de 1964. Cette année-là fut la fabrication d'un voilier de régate de 3,90 mètres, un "Mousse" sur plans d'Eugène Cornu pour la construction amateur, au premier étage d'un local en colocation avec un camarade qui construisait, de son côté au rez-de-chaussée, un quillard habitable, un "Cap Horn".
Pour le transporter, la fabrication d'une remorque sur mes plans avait été réalisée au collège, dans le cadre du programme scolaire, par les élèves de la section chaudronnerie lors d'une épreuve technique organisée par le professeur chef d'atelier et pour laquelle j'avais fourni toutes les matières premières. Le professeur de technologie, dans le cadre de ses cours, avait légèrement modifié quelques points de mon plan pour faciliter sa réalisation et alléger certains éléments que j'avais un peu trop surdimensionnés.
Et c'est comme cela que, le week-end, je pus participer à des régates dans des clubs de la côte méditerranéenne grâce à ma petite 4 CV qui tracta mon bateau sur les routes du Midi. Dans la semaine, elle me transportait entre le collège et la faculté.
Le 3 janvier 1965, je rejoignais le Groupe de repérage d'Etanges-Grande à côté de Thionville pour mon service militaire et ma trottinette resta sur cales dans un garage jusqu'à Noël. En janvier 1966, je la pris pour rejoindre la caserne que je quittai le 1er mai pour retrouver mon collège.
Je fis la connaissance de ma future épouse en juin 1966 et en février 1968, peu avant notre mariage, je remplaçai ma 4 CV par une R8 Renault.
J'en garde un fabuleux souvenir ....
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